Il y a d’abord des magazines que je ne sais pas lire. Certains peuvent passer des heures à éplucher leurs revues favorites en lisant patiemment chaque article ; moi, je feuillette les pages, laissant les photos sur papier glacé imprégner ma pupille, jusqu’à la rencontre.

Celle que j’aimerais faire et que je ne ferai sans doute jamais. Un visage, une attitude ou encore un regard vient résonner en moi comme un lointain souvenir. Quelque chose me touche, émotionnellement ou intellectuellement, et me donne envie de travailler cette image avec mes propres couleurs pour vivre picturalement cette rencontre.

Longtemps je n’ai pas su écouter mes désirs et lâcher prise sur la toile. Il m’a fallu chercher, travailler, regarder avant d’acquérir ce minimum de technique qui permet de se sentir libre. Quand on ne pense plus à son geste, je crois que c’est à ce moment-là que l’on peut écouter la création en soi. Je ne maîtrise pas tout de la technique, j’ai encore beaucoup à apprendre ; je ne parviens pas encore à être totalement détachée de mes « petites manies » qui m’enserrent parfois comme un carcan, mais j’ai la tête foisonnante de projets !

Dans mon travail actuel, il y a donc cette première rencontre. Ensuite, chaque photo est retravaillée, recadrée ou agrandie, et imprimée en noir et blanc sur du papier journal. La plupart du temps, j’utilise des journaux asiatiques car les idéogrammes font disparaître la lecture des mots qui nous sont habituellement intelligibles et familiers pour faire apparaître la dimension symbolique et esthétique de l’écriture. Et puis, j’encolle le papier que je maroufle sur la toile. Pendant le temps de séchage, je rêve à mes couleurs… Enfin, une fois mon support prêt, je peux commencer à peindre. J’utilise uniquement de l’huile.

L’acrylique à quelque chose de stressant dans son séchage si rapide ; j’ai besoin de pouvoir revenir sur ma couleur, gratter la peinture jusqu’à la trace imprégnée dans la trame de la toile, ou travailler en épaisseur, et mes collages n’aiment pas l’eau alors que le papier journal se nourrit de l’huile et accroche les pigments. L’image de départ pourra ainsi rester brute ou bien totalement disparaître sous la peinture. Ca, je ne le décide pas toujours…